dimanche 17 septembre 2017

Les femmes contre la guerre



Août-septembre 1928  Article de Line Paulet
                       
                                                    LES FEMMES CONTRE LA GUERRE



                                                                                 
                       Un Appel émouvant

A la veille de la journée historique du 27 août, les membres de la Commission Internationale du «  National Women's Party U.S.A. » dont la présidente est Miss Doris Stevens, ont adressé à Mr Briand, ministre des Affaires étrangères, une demande d'entrevue avec les signataires du pacte Kellogg, pour étudier avec eux la situation de la femme au point de vue du droit international et leur soumettre le texte d'un traité international établissant des droits égaux entre les deux sexes. La France est représenté au sein de ce comité par Mmes Paul-Louis Couchoud et Anatole France ; la délégation anglaise a pour chef la vicomtesse Rhondda ; le docteur Margareth Stegemann, député au Reichstag, représente l'Allemagne.
Le jour de la signature du pacte, elle fit, à Rambouillet même, une manifestation qui n'eut pas l'heur de plaire au commissaire chargé du service d'ordre. Sans égard pour leur personnalité, il lacéra la pétition qu'elles présentaient et les fit arrêter.
Il est regrettable qu'une si digne manifestation ait eu un tel accueil. Cette journée était toute indiquée pour une revendication des droits de la Femme.
C'était là une heureuse initiative. Si la femme doit jouer un rôle politique, c'est bien quand il s'agit de combattre la guerre et de travailler à assurer la paix et la fraternité internationale. Si les femmes avaient su......si les femmes avaient voulu......

Ah puissent-elles enfin savoir et vouloir !
Puissent-elles toutes entendre la sublime exhortation que leur adresse, dans le numéro de juillet de 'La Grande Revue' Madame Simone May ! Sous le titre Piétas......pour ces jours d'anniversaire, elle a publié une dizaine de pages pleines d'émotion, d'éloquences.......de vérités.
C'est comme la prière d'une mère qui a perdu un fils de vingt ans dans la dernière année de guerre et qui s'accuse, qui accuse les autres femmes de n'avoir rien fait, rien tenté pour empêcher cette abomination, et qui ne s'en consolera qu'à user toutes ses forces pour en empêcher le retour, et qui se repent d'avoir dit autrefois que "la politique ne l'intéressait pas. "
Voilà qui devrait secouer l'indifférence et l'apathie de trop de femmes. Voilà qui devrait éveiller bien des intelligences paresseuses ou sceptiques et attirer aux groupements féministes de nouvelles adhérentes.

« J'ai subi, écrit-elle, comme tout le féminin, féal du sort institué par l'homme, cette malédiction d'être impuissante. Et je me demande soudain, oui, je me demande quelle culpabilité ignorante réside dans cette passivité suppliciante, dans cette lâcheté qui ne fait que souffrir......
Privée de moyens effectifs, devant l'homicide concerté, la femme, pendant des siècles, n'a eu que des larmes. Mais les pleurs ont le tort d'être sans efficace, et le fleuve de larmes n'empêche pas le fleuve de sang.
J'arrive lentement à une compréhension plus claire de la genèse des catastrophes........Le crime a plusieurs noms. Chez la plupart, il s'appelle ignorance, acceptation.
C'était ainsi avant le cataclysme. On lisait sans fièvre les journaux : on ne se passionnait que pour de menus faits, tout proches de soi. On vivait à la surface de la vie. Je proclamais « La politique ne m'intéresse pas. La politique n'est pas faite pour les femmes »
Je n'avais pas encore compris qu'il s'agissait là de l'existence des nôtres les plus chers, et que s'abstenir, c'est aggraver sa responsabilité.
Responsables......responsables......Il faut bien l'avouer : nous sommes tous atteints par la honte universelle. Sachons dénuder les racines profondes et inavouées du bellicisme : nous avons consenti, et que le remords que nous éprouvons nous soit un salubre aiguillon.
Délivrons-nous de cette inertie qui est le début de la complicité. Dégageons nous de cette indifférence civique où s'enlisent nos possibilités de servir.
Accusons-nous, nous, la grande masse inéduquée des femmes, d'avoir subi depuis des millénaires le prestige du conquérant, le goût de l'uniforme ; d'avoir pensé que le mousquetaire et que le soldat étaient des hommes un peu plus mâles que les autres ; de n'avoir pas su apprendre aux jeunes âmes avides d'héroïsme qu'il est hautement plus difficile de vivre que de mourir.
Courbée chacune sur son malheur individuel, notre amour était limité et agressif. Nous n'avons point communié avec nos images jumelles, de l'autre côté du mur de feu. La femme moyenne se meut dans le cercle étroit de ses affections immédiates ; elle sert sa famille, tribu farouche de la civilisation. Elle n'élargit pas son coeur jusqu'à se sentir la mère de tous les enfants du monde.
Et pourtant c'est cela qu'il faut faire."
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  Oui, l'heure de la femme a sonné. Devenue l'égale de l'homme, elle s'instituera sa protectrice et s'opposera à l'oeuvre de la tuerie. Il ne faut pas que cette fois ci il soit trop tard ; ne permettons plus que notre douleur soit abîmée de remords. Nous ne sommes pas dispensées d'agir en prenant le deuil. Sentons-nous solidaires de tout événement humain. Entrons dans l'action, qui seule compte et porte ses fruits. Une adhésion de plus détourne un des coups mortels dirigés contre nos hommes aimés. L'Internationale des Mères est une faiblesse qui peut devenir puissante, si les unes et les autres se tenant par la main forment un réseau d'amour serré sur le monde. »

Que Madame Simone May nous pardonne d'avoir - pour les besoins de notre cause- souligné par des italiques quelques unes de ses déclarations et de ses exhortations. Mais nous voudrions qu'elle soit entendue de celles à qui nous transmettons son appel. Et qu'elle veuille bien trouver ici avec les félicitations de 'Pour la Femme 'l'expression de notre admiration et de notre sympathie.

                                                                                          Line Paulet

Notez le changement du dessin...la femme est seule sur Rossinante!
A chaque article un petit croquis qui annonce le sujet

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